Le 30 mai 1939, Renault présente une version coupé à deux portes sur base de la Juvaquatre AEB2 en finition Grand Luxe. Ses formes attirantes lui donnent des airs de « faux-cabriolet », tout comme c’est le cas des grands modèles à 6 et 8 cylindres.
Le client a le choix entre trois teintes : bleu, rouge et gris, avec également des roues et un tableau de bord de couleur carrosserie. Les jantes chromées et les pneus à flanc blanc donnent un air très luxueux à la voiture. L’habillage intérieur est lui bleu foncé, beige ou vert amande. Le volant, le pommeau de vitesse et divers boutons sont quant à eux d’aspect blanc ivoire, de même que le cadran d’instrumentation.
L’équipement intérieur est très luxueux pour l’époque. Le sol se couvre d’une combinaison de caoutchouc et de tapis, tandis que les deux sièges avant se parent d’une tige chromée dans leur partie supérieure. Ce petit coupé s’offre encore deux pare-soleil revêtus, un rétroviseur, un cendrier sur le tableau de bord, un klaxon à double tonalité, des glaces en verre Sécurit et un jonc chromé sous les portes. Le conducteur peut également actionner depuis son siège un pare-soleil arrière, tandis que les panneaux de portes se garnissent de sacs « pompadour ». Le démarreur et l’allumage des phares se commandent au pied.
Le coupé est aussi la première Juvaquatre dotée d’un couvercle de coffre. Et si ce coffre est limité, c’est parce qu’une grande partie de sa surface est occupée par la roue de secours. Mais on trouve un peu d’espace supplémentaire derrière les sièges avant. Quant au prix, il était 20% plus élevé que celui de la classique version Juvaquatre à deux portes.
En décembre 1939, les freins à câbles de la Juvaquatre ont été remplacés par un système hydraulique. Le coupé recevait alors un nouveau nom de code : BKF3. Il n’y aurait eu que 4 exemplaires produits de ce modèle et le dernier serait vraisemblablement animé par un moteur électrique. Le coupé classique, type AEB2, est également rare, puisqu’il n’aurait été construit qu’à 33 exemplaires au maximum, dont 6 équipés d’un gazogène.
Fin 1945, seules 5 versions de la Juvaquatre destinées au transport de personnes sont produites, toutes des coupés. Le nom de code BKF4 est ensuite appliqué à tous les types de carrosserie. En même temps, le compteur en forme de coquille se pare d’un fond brun foncé, la voiture reçoit une batterie plus puissante pour assurer le fonctionnement des essuie-glaces électrique et le réservoir d’essence passe à 38 litres. A l’avant apparaît un logo Renault mentionnant Régie Nationale.
Pour obtenir des devises étrangères, une part des Juvaquatre est aussi produite en kit en Grande-Bretagne, dans l’usine anglaise d’Acton, ainsi qu’à Haren, en Belgique. Quant à l’exemplaire qui nous occupe ici, il a aussi beaucoup voyagé. L’ancien propriétaire, Bernard Dumas, explique que la carrosserie a sans doute été assemblée chez le carrossier Pourtout, à Rueil. Cela expliquerait pourquoi cette carrosserie a échappé aux bombardements de Billancourt en 1942 et 1943. La plaque d’identification BKF4 située dans le compartiment moteur porte le chiffre 7 comme numéro de série et cette voiture est la plus vieille Renault connue ayant été produite par la Régie Nationale.
Bernard indique aussi que cet exemplaire a ensuite été vendu aux enchères au garage Renault Escoffier de Paris. Le nouvel acquéreur se nommait Jean Rédélé, fondateur d’Alpine et gendre de monsieur Escoffier. Des années plus tard, Bernard a appris par le directeur de Gordini que Rédélé voulait vendre sa Juvaquatre Coupé car il avait besoin d’argent pour permettre à son fils de rouler en compétition.
Après l’avoir achetée, Bernard a tenté plusieurs fois de débuter une restauration de la voiture, mais sans succès. Lorsqu’il a réalisé qu’il ne parviendrait pas à la restaurer parfaitement, il a légué la voiture en 2016 à la collection de Renault Classic. Là, les gros travaux ont immédiatement débuté, dans l’atelier de Flins. Et comme la couleur rouge/noir dans laquelle Bernard avait acheté la voiture n’était pas d’origine, les restaurateurs ont repeint la voiture en noir. Selon les archives, c’est dans cette teinte qu’elle fut livrée au premier propriétaire. D’après Bernard Dumas, il ne subsisterait dans le monde que 5 exemplaires connus de la Juvaquatre Coupé.
Quant à la production, elle fut d’environ 30 exemplaires avant-guerre et de 13 exemplaires pour la BKF4 : 5 en décembre 1945 et les 8 autres en janvier 1946. Vu que l’exemplaire présenté ici porte le numéro « 7 », il a été produit en janvier 1946, à Haren.
L’apparence de cet exemplaire est de haut niveau. Mais comment roule aujourd’hui cette voiture à moteur 4 cylindres de 1.003 cc (type 488) ? Eh bien, plutôt mal… La voiture paraît agile en courbe, mais la suspension arrière est très ferme. Renault Classic a pourtant poussé les études très loin et a restauré la voiture selon les spécifications d’origine.
De plus, les petites vitres nuisent à la visibilité périphérique et il n’y a pas de rétroviseurs extérieurs. Le moteur est suffisamment vif et le maniement du levier de la boîte à 3 vitesses est plutôt léger. Mais ce très rare coupé, ne pesant que 760 kilos, aurait pu digérer bien mieux les casse-vitesse et routes défoncées.
En détail...
Renault Juvaquatre Coupé BKF4
Moteur :
4 cylindres, alésage x course 58 x 95 mm, cylindrée de 1.003 cc, refroidi par eau, carburateur automatique avec niveau constant. Pot d'échappement longueur 540 mm, diamètre 90 mm.
Transmission :
Boîte manuelle à 3 rapports et une marche arrière. Vitesse maxi 100 km/h. Vitesse à 1.800 tr/min 1e - 14,7 km/h, 2e - 26,4 km/h, 3e - 40,2 km/h (couple conique 7 x 34).
Freins :
Freins hydrauliques, tambours (diamètre 220 mm). Frein à main mecanique.
Dimensions :
Longueur 3.600 mm, empattement 2.350 mm, largeur 1.400 mm, largeur des voies (avant/arrière) 1.160/1.160 mm. Poids total en ordre de marche 760 kg. Pneus 110 x 40.