Renault R4190

Prenons le bus

Structure autoportante

Renault nous réserve toujours des surprises, et les bus n’échappent pas à la règle. En octobre 1949 au salon de Paris, le premier bus développé après la Seconde Guerre est présenté : le R4190. Il surprend tout le monde par sa structure autoportante en profilés pour la carrosserie et le châssis, associée à un moteur disposé sous le plancher entre les essieux avant et arrière.

Les premiers prototypes (dont l’AJC de 1942) sont développés dans le plus grand secret durant la guerre et présentent encore un moteur placé à l’arrière. Deux moteurs sont testés : un quatre cylindres diesel et un six cylindres essence provenant de l’AHN et de la Viva Grand Sport. Mais c’est surtout par sa structure autoportante que l’autobus se différencie du camion, qui conserve quant à lui son châssis classique. Cette construction est conçue durant la première moitié des années trente aux États-Unis et est appliquée pour la première fois en Europe par la société française Isobloc en 1938.

Prototype

Après la guerre, le département de recherche reprend le projet du bus et produit un deuxième prototype, le projet 211, dont deux exemplaires fonctionnels sont construits en mars 1946, avec encore un moteur à l’arrière. La carrosserie est plus arrondie et l’essieu arrière est équipé de roues simples au lieu des doubles roues utilisées habituellement jusqu’alors. Six mois plus tard apparaît le prototype numéro trois, dont la carrosserie annonce déjà clairement celle du R4190, avec toutefois le moteur à l’arrière. Cette conception a pour désavantage que toute la longueur du véhicule ne peut pas être exploitée pour le transport de passagers. Un deuxième argument favorise aussi une implantation médiane du moteur sous le plancher. Avec le moteur à l’arrière, le bus est uniquement adapté à une utilisation comme bus de tourisme, alors que Renault veut lancer un modèle qui peut également être utilisé comme bus urbain et régional.

Durant le développement, des enquêtes détaillées sont réalisées auprès de sociétés qui exploitent ensemble un parc de pas moins de 3.130 bus.
John Doe

À l’époque, les chauffeurs de bus sont normalement accompagnés d’un contrôleur. Les passagers montent par l’arrière, ce qui n’est pas possible avec un moteur disposé derrière. Voilà des raisons suffisantes pour favoriser cette nouvelle solution technique. Le moteur utilisé est le même que celui développé par Renault pour les nouveaux camions de 7 tonnes.  Ces études montrent un intérêt particulier pour un bus de 40 à 50 places avec un maximum de confort et beaucoup d’espace pour chaque passager. Renault obtient ainsi des informations concernant la luminosité intérieure, l’esthétique, le chauffage et la ventilation. Les sociétés fournissent également des indications relatives aux coûts d’exploitation.

Dix sièges rabattables

Le premier dépliant de septembre 1949 explique que le bus de tourisme de 10,60 mètres de long peut transporter 45 passagers, dont huit sont assis dos à la route. Renault propose aussi dix sièges rabattables en option pour augmenter encore la capacité de transport. Lorsque les passagers sont assis face-à-face (bus urbain), la distance entre les dossiers doit idéalement être de 1,395 mètre selon la R.A.T.P. Afin d’obtenir une répartition optimale de l’espace, ces banquettes sont placées au-dessus des essieux, ce qui procure un empattement d’exactement 5,58 mètres, identique à celui des modèles de la concurrence.

Le moteur six cylindres diesel de type 568 est celui utilisé dans les camions de 5 à 12 tonnes (R4220, R4140 et R4180). La boîte de vitesse Renault 271 est accouplée au moteur via un arbre court, une construction qui restera employée jusque dans les années quatre-vingt-dix. Un servomoteur à air comprimé assure quant à lui la direction assistée. Les freins des quatre roues sont également actionnés par de l’air comprimé. Le Renault R4190 pèse 7.245 kg et peut transporter 7.255 kg, passagers et bagages compris. Le bus de tourisme dispose d’une galerie à bagages ayant une capacité totale de 1.500 kg. L’énorme galerie est accessible via une échelle à l’arrière. Le bus présente une hauteur de 3,28 mètres, ce qui constitue immédiatement un problème. Les bus produits avant la guerre présentaient en effet pour la plupart une hauteur de 2,90 mètres et les garages des compagnies de bus étaient construits pour cette hauteur. L’excès de hauteur constitue encore un problème sur les routes bordées de nombreux arbres. Renault propose donc rapidement une version rabaissée de 127 mm en diminuant la hauteur aussi bien du pare-brise que des vitres latérales. La hauteur debout diminue ainsi à l’intérieur de 2,024 mètres à 1,897 mètre. Les compagnies de bus choisissent principalement la version basse (soit 1.720 des 2.125 exemplaires construits jusque fin 1957 à Billancourt). La version destinée aux transports urbains est uniquement pourvue d’une carrosserie haute, car une proportion importante des passagers doit pouvoir rester debout.

37 places assises

Fin 1950 apparaît le bus R4191, qui se différencie uniquement par son système Air-Pack Bendix augmentant la puissance du freinage hydraulique. La série continue à se diversifier. Vers la moitié de l’année 1950, Renault lance le R4200, une variante raccourcie de 9,36 mètres à 37 places assises. Peu après vient le R4230, un bus urbain à portes arrière battantes avec un siège pour le contrôleur. L’arrière de cette version présente une forme beaucoup plus anguleux. Fin 1950 arrive le R4210, un bus urbain uniquement pour un chauffeur qui reprend de nouveau les formes postérieures arrondies du bus de tourisme. La société Scemia réalise plusieurs conversions en pourvoyant ces bus urbains de portes additionnelles.

Peu après vient le R4230, un bus urbain à portes arrière battantes avec un siège pour le contrôleur. L’arrière de cette version présente une forme beaucoup plus anguleux.
John Doe

Malgré les nombreuses variantes, les commandes n’entrent que lentement. Une des raisons pour cela est que seul le moteur de 105 CV est proposé et qu’il présente des défauts de jeunesse. Le plancher relativement élevé défavorise aussi le modèle. Renault construit un prototype (R4232) dont le plancher est abaissé de 10 cm, mais cette version n’entrera finalement pas en production. Les résultats commerciaux décevants sont dus par ailleurs à des raisons politiques. Beaucoup de compagnies de bus refusent en effet d’acheter leurs véhicules à une société qui se trouve aux mains du gouvernement. En outre, des retards de livraison apparaissent au début à cause de problèmes d’approvisionnement en matières premières, moyennant quoi les compagnies de transport préfèrent les fabricants qui peuvent livrer plus rapidement. La naissance du premier bus Renault de l'après-guerre aura en définitive été difficile.