Que la Renault 4 beige (Tito) ait été utilisée par la famille à l’époque, c’est ce que montre cette photo de Diego avec sa mère à Boyacá.
En 1982, un homme, que nous appellerons simplement « oncle », a acheté une Renault 4 beige de 1976. La voiture avait déjà été utilisée dans le sport automobile et se caractérisait par une bande noire qui traversait la carrosserie d’avant en arrière. N’ayant pas d’enfant, la voiture est rapidement passée entre les mains du neveu, qui s’en est servi pour se rendre à l’université. Il est également parti avec sa petite amie, s’est marié et a eu un fils, Diego Dominguez.
Depuis sa livraison en 1970, la R 4 bleue de Diego (Archibaldo) a toujours porté le numéro d’immatriculation LWA-583, même depuis son passage en immatriculation de voiture de collection. La voiture est maintenant dans un bel état neuf.
Diego a grandi avec et dans la Renault 4. Malheureusement, il existe très peu de photos de ces débuts. Mais dès son plus jeune âge, il avait le droit de s’asseoir sur les genoux de son père pour la conduire. À 12 ans, il a obtenu ses premières vraies leçons de conduite parce qu’il pouvait atteindre les pédales. Bien sûr, il a encore fallu des années avant qu’il ne soit autorisé à passer son permis.
Mais en attendant, il ne pouvait pas s’éloigner de la voiture, surtout le dimanche. Il devait nettoyer, ranger, bref, passer toute la journée dans et autour de l'auto. Diego a également donné un nom à la Renault 4, Tito, d’après le nom inscrit sur le trousseau de clés.
Tito est donc une Renault 4 de 1976 de type R1123 assemblée par SOFASA, Sociedad de Fabricación de Automotores S.A. fondée en 1969 initialement pour produire la Renault 4, en Colombie. Le moteur était toujours le célèbre 845 cm3 placé derrière la calandre en plastique noir. À partir de l’année-modèle 1977 (fin 1976), la Renault 4 colombienne a été dotée d’un moteur de 1 022 cm3 et a reçu l’ajout « Plus 25 » après le nom du type.
Tito après la restauration.
Pendant ses études, Diego a fondé le Club R4 Colombia avec d’autres passionnés, dans le but de préserver l’histoire de la Renault 4 dans son pays. Avec ce groupe, il a appris à connaître le modèle de fond en comble et s’y est de plus en plus intéressé. Quelques années plus tard, Diego a obtenu son diplôme d’ingénieur en mécanique et moins de six mois après avoir commencé sa carrière, il a réalisé son désir de longue date de posséder une Renault 4 avec une calandre en aluminium.
La voiture était à vendre à Medellín, à 400 km de Bogota où vit Diego. Lorsque Diego a vu la plaque d’immatriculation, il a décidé qu’il la voulait, mais son budget n’était pas suffisant car il commençait tout juste sa vie professionnelle. La voiture est restée sur un site Internet pendant plusieurs mois et Diego la regardait tous les jours. Mais voilà, la voiture a disparu du jour au lendemain. Horrifié, Diego a immédiatement appelé pour demander ce qui s’était passé. Rien de grave, on lui a répondu que l’annonce avait simplement expiré. Bonne nouvelle, la voiture n’avait pas encore été vendue.
La première et la troisième Renault 4 livrées en Colombie se sont rencontrées il y a quelque temps chez le concessionnaire Renault qui avait livré les deux voitures neuves à Medellín à l'époque.
Diego : « J’ai donc fait une offre dans laquelle je paierais 40 % du montant et le reste en plusieurs fois dans les mois suivants. Le vendeur a accepté mon offre et même plus encore. Il a accepté de garder la voiture quelques mois de plus pour me permettre d’acheminer le véhicule à Bogota en attendant. De cette façon, j’ai acheté une voiture que je n’avais pas encore vue en vrai. Le numéro d’immatriculation m’intriguait parce qu’il avait été délivré plus tôt que le premier exemplaire de la Renault 4 vendu en Colombie. J’ai décidé de nommer ma nouvelle acquisition Archibaldo (Grover en français) en référence à la couleur bleue qui ressemble à celle du personnage du même nom de 5, Rue Sésame. J’ai découvert plus tard qu’il s’agissait de la troisième Renault 4 jamais vendue à Medellín, en Colombie. »
Il s’agit d’une Renault 4 Export de 1970 qui, bien qu’assemblée en Colombie, comporte encore de nombreuses pièces françaises. Parmi ses caractéristiques, on peut citer le moteur de 845 cm3, le volant et le pommeau de vitesse translucides, les larges bandes sur les seuils et les feux de stationnement sur les ailes, ainsi que la possibilité de faire tourner le moteur à la manivelle. C’est un modèle rare en Colombie, car c’est la première année où la Renault 4 a été assemblée dans le pays, avec moins de 800 exemplaires du type R1123 produits. Fait intéressant, le concessionnaire où Archibaldo a été vendu à Medellín possède toujours le premier véhicule facturé et a réussi, en 2019, à réunir les deux exemplaires, dont les plaques d’immatriculation sont identiques à l’exception d’un numéro. Archibaldo a été soigneusement restauré et possède désormais les plaques d’immatriculation bleues qui l’identifient comme une voiture de collection en Colombie.
À droite : Diego devant sa Renault 4 entièrement restaurée, qui a été produite en Colombie en 1970.
Diego est depuis plusieurs années le président du Club R4 Colombia, un groupe de personnes dédiées à la préservation des Renault 4 d’origine dans le pays. « Comme je possède l’une des premières Renault 4 vendues dans notre pays, je cherchais aussi l’une des dernières. J’ai donc acheté une Renault 4 de l’année-modèle 1991 à un autre membre du club. Cette voiture s’appelait Skipper, d’après la couleur Azul Aviación et ressemblait à l’avion du même nom du film d’animation Planes. Ce modèle R1129 s’appelait GTL Master en Colombie et avait le moteur de 1 022 cm3, possédait des appuie-têtes, un chauffage de la lunette arrière et une sellerie qui était également disponible sur certaines versions des Renault 9 et 18 en Colombie. Il y a un détail particulier : la Renault 4 a cessé d’être produite en Colombie en 1992, mais elle avait encore le pot d’échappement sur le côté, du chrome sur les ailes et les poignées de porte. Skipper n’a pas encore été restaurée, mais je le ferai dans quelques années quand il sera assez vieux pour obtenir des plaques d’immatriculation bleues. »
Une sortie ensoleillée organisée par le Club R4 Colombia.
La Renault 4 est considérée comme une voiture typiquement colombienne. Produite de 1970 à 1992, la R4 a offert à la classe moyenne la possibilité de posséder sa propre voiture. Tous les Colombiens de plus de 30 ans ont un souvenir avec cette voiture. De la première à la dernière Renault 4 TSE Leader avec un moteur de 1 289 cm3, elle a été construite à la SOFASA à Envigado, où près de 100 000 unités sont sorties de la chaîne de montage. Il y a plus de 20 ans, la Renault 4 est tombée dans l’oubli. Dans les campagnes, on en croisait parfois une. Personne ne pensait qu’elles pourraient un jour acquérir une valeur de collection.
Heureusement, plusieurs ont survécu sous une épaisse couche de poussière dans de nombreux garages du pays. En 2007, quelques personnes se sont rencontrées lors d’un événement consacré aux voitures anciennes et ont décidé de créer le Club R4 Colombia. L’objectif était de restaurer un certain nombre d’exemplaires âgés d’au moins 35 ans à l’état neuf pour répondre aux normes d’une carte grise de collection.
Tito avec une bande noire et des grilles sur les feux arrière.
Depuis, le club a participé à de nombreux événements importants liés aux voitures de collection. Cela lui a même valu d’être invité à devenir membre de la Fédération colombienne des clubs de voitures anciennes et classiques (Fedeclásicos), un honneur puisque seuls neuf clubs sont autorisés à le faire. Le Club R4 Colombia est le premier et le seul club à modèle unique. Un peu à l’image des principes du 4L Trophy, le club a apporté des ordinateurs, des livres et du plaisir aux écoles rurales.
Actuellement, 26 familles sont membres du club. Diego Andrés Dominguez en est le président et est assisté par le vice-président Camilo Hernandez. Ils collaborent à la rédaction d’un livre sur l’histoire de la Renault 4 colombienne, qui permettra aux lecteurs de vivre tout le parcours du modèle, de sa création à la fin de sa production. Ils ont interviewé d’anciens employés de la SOFASA et écrivent sur l’opposition initiale des agences gouvernementales dans les années 1960. Les premières Renault 4 en Colombie étaient des FASA importées d’Espagne. Mais le livre va encore plus loin avec un chapitre consacré à l’importance du modèle dans le sport automobile. Les aspects culturels ne sont pas en reste, puisque la R4 apparaît dans des œuvres d’art, des chansons, des films et des publicités. Le livre se termine par un chapitre sur les pièces détachées spécifiquement destinées à la version colombienne. À l’heure actuelle, Diego et Camilo travaillent à son achèvement.
Le club est actif sur Facebook sous le nom de Club R4 Colombia Oficial. ‹›
La voiture bleue est la dernière acquisition de Diego fabriquée en 1991.