Renault Frégate Grand Pavois

Limousine de vacances

Ceux qui partaient en vacances en voiture dans les années 50 et 60 appartenaient encore à une classe privilégiée. Si cette voiture était une Renault Frégate Grand Pavois, alors vous faisiez partie des heureux élus. Mais il y a toujours « un patron au-dessus du patron ». Une Frégate équipée d’un crochet d'attelage et une caravane Notin.

Photo : Le Renault Frégate Grand Pavois et la Notin Villula dans un cadre idyllique.

Photos: Onwies Fotografie & Losange Magazine

En effet le produit haut de gamme par excellence, vitrine du luxe et d’une finition raffinée à l’époque se traduisait par une caravane Notin. Plus de soixante ans plus tard, la combinaison de la Frégate bicolore et d’une véritable Notin est si rare que l'on peut parler d'une paire unique.

Photo : La combinaison de couleurs bleu clair/bleu foncé fait de la Frégate Grand Pavois une voiture frivole.

Indépendante

La Renault Frégate est née en novembre 1950. À cette époque, la voiture n'était pas encore totalement développée, mais l'introduction imminente d'une nouvelle législation en France a contraint Renault à lancer prématurément son grand modèle. Il fallut attendre encore près d'un an avant que la production ne démarre, et malgré cela, la Frégate fut en proie, au cours de ses premières années, à des problèmes techniques et qualitatifs.

Il faut attendre le lancement du nouveau moteur Étendard 12 CV 2 141 cm3, fin 1955, pour que la Frégate soit au niveau qu'elle aurait dû être dès le départ. Bien que la grande berline à quatre portes, avec sa suspension indépendante intégrale, puisse encore être qualifiée de moderne, elle ne peut guère résister à la nouvelle DS de son concurrent Citroën. Bien qu’handicapée par de nombreux problèmes à sa sortie, on pardonnait à la nouvelle Citroën tous ses défauts de jeunesse en raison de son apparence moderne et futuriste.

Photo : Partout où vous regardez à la Frégate, le souci du détail est évident.

La nouveauté de l'année modèle 1956 fut la Frégate « Grand Pavois ». Le modèle haut de gamme absolu était proposé dans une palette de couleurs bicolores, dont les combinaisons les plus extraordinaires possibles étaient proposées dans la brochure commerciale. Que penser d'un jaune doux avec un toit vert foncé, alors que cette palette de couleurs bleu clair/bleu foncé est plus à son goût. La Grand Pavois possède une calandre ovale avec une large barre au milieu, une caractéristique extérieure qui avait déjà été lancée pour l'année modèle 1955. Extérieurement on remarquera une double garniture décorative et des roues souvent équipées de pneumatiques à flancs blancs. Une baguette en aluminium passe discrètement sous les vitres des portes, tandis qu'une autre baguette s'étend des phares aux portes arrière et délimite les bandes de couleurs bicolores.

Étendard

L’intérieur aussi est traité de façon bicolore. Les bords des sièges et certaines parties des garnitures des portes sont recouverts d'un simili cuir gris clair, tandis que le centre du siège, le dossier et une grande partie des portes sont recouverts d'un magnifique velours bleu foncé. La partie centrale du tableau de bord est peinte dans le même bleu foncé que le toit, un ensemble beau, chic et un tantinet frivole. La Frégate Grand Pavois n'a conservé cette combinaison de couleurs typiques que pour l'année modèle 1956, car un an plus tard, une autre combinaison de couleurs a été retenue avec l’apparition d’un bel arrondi appliqué au milieu des portes arrière. La Frégate Grand Pavois a été livrée dans cette version en 1957 et 1958, puis a été abandonnée ensuite dans cette finition.

Le nouveau moteur quant à lui est nommé Étendard et développe 77 ch. Il équipe aussi la Frégate « Amiral » et le break « Domaine ». Au cours de la dernière année de production, la « Grand Pavois » était disponible avec la boîte de vitesses Transfluide, ancêtre de l'automatique. Il devait être étonnant dans ces années-là de pouvoir répondre à la question "quel type de voiture conduisez-vous ?" avec une Renault Frégate Grand Pavois Transfluide !

Photo : La combinaison de couleurs de l'extérieur se retrouve également à l'intérieur, sur le tableau de bord ainsi que sur le mobilier.

Voitures anciennes intéressantes

Attelée à la belle Renault on remarque une caravane Notin de 1961, tout aussi « collector ». Depuis que l'interview a été réalisée, le propriétaire Henk est malheureusement décédé beaucoup trop tôt. Henk déclarait : "Lors de mes nombreux voyages à travers la France accompagné d’un bon copain, nous avions toujours un œil qui trainait sur tout ce qui se référait aux voitures anciennes avec une préférence pour les vieilles Renault et les caravanes Notin. Nous nous servions des publicités de "La Vie de l'auto" comme guide, puis nous avons écumé de nombreuses adresses à la recherche de voitures anciennes intéressantes. La plupart du temps sans intention immédiate d'acheter. Nos exigences en termes de qualité et d'originalité sont si élevées que souvent nous ne trouvions pas ce que nous cherchions. Le voyage lui-même était alors déjà une expérience amusante et exceptionnelle.

Passionnés de chevaux

"Lors d'un voyage durant l’été 1997 - il se trouve que j'étais alors seul - j'ai passé la nuit au camping Château du Bertangles dans le village du même nom (80). Une conversation avec le seigneur du château a révélé qu'il avait travaillé pour Philips France pendant des années et qu'il possédait plusieurs chevaux comme passe-temps. « Il y a plus de passionnés de chevaux dans le village et l'un d'entre eux », m'a-t-il dit, « possède un certain nombre de voitures anciennes ». Mon intérêt a naturellement été immédiatement éveillé et j'ai rapidement eu l'adresse, qui s'est avérée être juste dans une dépendance du château.

Cinq à la fois

Lors de la visite de Henk, il s'est avéré que l'homme possédait effectivement beaucoup de chevaux et que les voitures anciennes appartenaient à son père. A cette époque, la flotte de voitures était stockée dans un garage sous une villa à Amiens (80). "Il voulait les vendre, mais seulement cinq à la fois. Que pouvais-je faire avec une Opel Captain (1952), une Ford Vedette (1954), une Ford Versailles (1958) et une Simca Aronde (1960) ? La seule qui m'intéressait était une Renault Frégate Grand Pavois de 1956. Plusieurs semaines et plusieurs appels téléphoniques plus tard, il acceptait de vendre la Frégate seule et je suis alors retourné à Amiens. La carrosserie avait un peu souffert tout comme la mécanique qui montrait quelques faiblesses notamment un roulement de roue arrière bruyant. Après un essai sur route j'ai décidé de faire une offre, mais le propriétaire attendait une somme qui équivalait au prix du lot complet des 5 voitures. Je suis rentré chez moi sans avoir fait affaire et je me suis rendu compte que j’avais perdu mon téléphone portable. Les personnes qui ont essayé de me joindre n'obtenaient qu'un Français inintelligible au bout du fil. Le propriétaire de La Frégate avait retrouvé mon téléphone que j’avais laissé sur la banquette arrière de la Frégate.

 Par la suite heureusement le Français s’est ravisé et a demandé un prix plus réaliste pour la Frégate et nous avons fait affaire. Le 16 novembre suivant nous étions 3 au volant d’une voiture-ambulance pour venir chercher la voiture, et dans la foulée j’en ai profité pour récupérer mon téléphone portable !

Support

Henk : "Ensuite j'ai amélioré ou changé plusieurs choses sur la voiture. Devant la calandre, il y a maintenant un support pour fixer toutes sortes de boucliers. Des plaques décoratives en aluminium de marque d’accessoires SAPRAR ont été montées sur les garde-boues arrière. Un support chromé est venu coiffer le dessus du tableau de bord et j’ai également monté un projecteur SEV-Marchal en souvenir du médecin de famille de mon quartier qui en avait un sur sa Frégate pour lire les noms de rues et les numéros de maisons la nuit. Sur le plan mécanique j’ai monté un nouvel échappement, j’ai effectué une révision complète des freins, et j’ai procédé au remplacement partiel du câblage électrique, du démarreur, du système d'admission, des réflecteurs de phares, et de la pompe à essence. Quelque temps plus tard une belle caravane Notin a été attelée à la Frégate. La Renault a souffert courageusement mais Henk l’a ménagée tranquillement et la Frégate a bien fait le travail.

Photo : Malheureusement, Henk a pu en profiter beaucoup trop brièvement en toute tranquillité de l'intérieur de sa caravane spéciale restaurée à la française.

Pneus secs

"En janvier 1998, un ami et moi étions de nouveau en voyage en France et nous sommes tombés sur une annonce proposant une caravane Notin à Champtoceaux (49) près de Nantes. Lorsque nous sommes arrivés, le Notin Villula en question m'a semblé tout à fait appropriée, et dans mon esprit je la voyais déjà accrochée à ma Frégate. Heureusement mon ami en bon conseiller m’a raisonné et après une nouvelle nuit dans un hôtel local, nous avons pesé le pour (la caravane était faite pour moi) et le contre (un prix élevé pour une vielle grand-mère). Le lendemain pourtant j'ai proposé la somme maximum que je pouvais payer et le vendeur a accepté mon offre. Sans plus d'hésitation j’ai attelé la caravane sans freins fonctionnels avec des pneus secs derrière ma Renault Safrane, direction les Pays-Bas via les routes nationales. En chemin, un camion Renault Magnum nous a doublé et nous avons pu constater que la tenue de route du Notin était excellente et que par contre la Safrane bougeait un peu lors des dépassements. En rentrant chez moi sain et sauf, un autre ami s'est demandé ce que j'avais bien pu apporter avec moi, une caravane de gitan ? Il n'en avait aucune idée !"

Photo à gauche : Petite, mais bien équipée et presque romantique, la petite cuisine à l'arrière de la Notin.

Usine Notin

Henk a développé un véritable amour pour la marque Notin après avoir rencontré le propriétaire d'une telle caravane sur l'île d'Oléron au cours de l'été 1995. Dès lors, il a photographié et examiné toutes les Notin qu'il a rencontrées. L'usine Notin se trouve à Pannisières (42) près de St Etienne. En raison de leur luxe, ces caravanes de haut de gamme étaient très populaires auprès des gens riches et des forains français. A l'époque, le slogan était : "Notin, une caravane pour l'élite". Les caractéristiques typiques sont le toit pourvus de lanternaux et les freins hydrauliques. Les différents types portent des noms aussi mélodieux que Chaumière, Villula, Corvette et même Goélette, avec un vrai bar à l'intérieur ! Le camping-car Renault 1 000 kgs (1951) avec une carrosserie Notin est particulièrement spécial.

Henk : "Au début, je me suis limité à restaurer l'intérieur dans un style français approprié. Finalement, l'extérieur a également été restauré. En juillet 2007, j'ai rencontré Pierre-François Dupond, à l'époque propriétaire du camping du Val de Cantobre à Nant (12). Il s'est avéré que je partageais avec lui ma passion pour les vieilles caravanes et les vieilles voitures. Il avait encore une Notin, sur laquelle j’ai pu prélever quelques pièces dont j'avais besoin ; pour cela je me suis enfermé un dimanche entier dans un hangar brûlant".

Aluminium

Henk s'est fixé comme délai d'avoir le Notin prêt au printemps 2009. Il a passé des années à chercher les bonnes pièces, notamment les moulures, ce qui s'est avéré être un véritable casse-tête. Il a également refabriqué les charnières des portes à partir d'un morceau d'aluminium brut et a converti les freins, qui étaient à l'origine hydrauliques, en freins mécaniques. Grâce à l'aide qu'il a reçue de nombreuses personnes au cours du processus, il a monté une plaque sur le timon sur laquelle tous les noms sont gravés.

Photo : Malgré sa grande taille et son bon moteur, la Frégate doit batailler pour tracter la Notin.