Interview Hubert Melot

Un tonneau de souvenirs

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Sortir l'ombre

Avec Jean Rédélé, il a testé les concurrents d'Alpine. Il était également le navigateur de Jean Vinatier et de François et Patrick Landon. Mais malgré ses propres exploits en tant que pilote, Hubert Melot est toujours resté dans l'ombre de sa propre grandeur. Il est temps de sortir l'ombre.

Photos : Hubert Melot est un homme d'histoires. Toute sa vie, il a travaillé chez Renault, chez les concessionnaires mais aussi au Centre Technique Renault. Il participe à de nombreux rallyes, comme celui du Mont Ventoux en 1967 avec une Alpine. En 1970, il était présent lors du Jour G.

Hubert Melot (88 ans) a travaillé pour Renault tout au long de sa carrière. Né à Lyon, après une scolarité classique, il suit une formation technique pour laquelle il fait un stage à Paris-Rhône. C'est avec brio qu'il a été au boût de ce stage. Pendant les temps libres de sont adolescence, il a également travaillé dans un garage.

Lorsqu'il est entré chez Renault, il a commencé dans le département de service des camions. "Ce n'était peut-être pas glorieux, mais je l'ai vécu comme une période intéressante. Cela m'a mis en contact avec des techniques qui n'étaient pas utilisées sur les voitures particulières à l'époque, notamment dans les domaines du freinage et de la direction."

Préparer

Chez le concessionnaire Renault de Vénissieux, il est rapidement promu agent technique après son service militaire en Algérie. "J'y suis entré en contact avec le fils du propriétaire qui participait à des rallyes avec une 4CV équipée d'une boîte de vitesses à cinq rapports. Cette voiture était équipée comme une 1063. Il m'a demandé de préparer cette voiture pour les rallyes et d'être présent pendant les épreuves pour les interventions techniques. J'étais autorisé à utiliser tous les outils et matériaux du concessionnaire. Le fils en question était également doué pour la technique, et il a construit tout seul une boîte de vitesses à quatre rapports pour sa 4CV quotidienne. À l'époque, mon propre moyen de transport était une moto Terrot de 100 cm3.

Tour de Corse

Hubert passe rapidement chez Renault Marseille où il devient responsable de l'après-vente en Corse. À cette époque, il existait deux concessionnaires sur l'île. Il a également eu l'occasion de travailler sur les modèles sportifs de Renault. Lors de plusieurs participations au Tour de Corse, il expérimente en pratiquant ses inventions et ajustements techniques. Il a commencé avec un Alpine A106 équipé d'un moteur spécial avec une culasse hémisphérique. Hubert se souvient de ce moteur comme d'un petit miracle, mais en même temps extrêmement fragile. Il prend ensuite le volant d'une Dauphine 1093 (1962) et d'une R8 Gordini en 1964. 

Rallye de Monte Carlo

"Après la 4CV est apparue la Dauphine, mais j'ai aussi beaucoup travaillé en concession sur la Frégate, une voiture ambitieuse pour Renault qui n'était pas encore tout à fait au point lorsqu'elle a été présentée. Les nombreux défauts ont dû être résolus grâce à un bon service après-vente."

La course automobile est un fil conducteur des années 60 pour Hubert Melot. "En 1963, j'ai participé au Rallye de Monte-Carlo. Renault a participé avec deux R8 spécialement préparées et trois R4. L'une d'entre elles était pour moi avec Jean-Pierre Manzon, le fils du célèbre pilote Gordini Robert Manzon. Nous étions en 28ème position au classement général lorsque nous avons perdu un boulon de la crémaillère dans le massif de la Chartreuse. Cela nous a coûté la bagatelle de 40 places au classement." Elle est suivie en 1964 par la Coupe des Alpes dans une Renault 8 Gordini 1150 avec Jean Vinatier (Jeannot l'Alpine) et le Mont Ventoux dans une Berlinette Alpine GTH 1.150 cc.

En 1970, Hubert est nommé assistant de compétition à la direction commerciale. Il a donc travaillé sur les 8 Gordini, mais surtout sur les versions Gordini des R12 et R17. Ces modèles sportifs ont joué plusieurs rôles en même temps. Hubert : "En Europe occidentale, ils ont servi de porte-drapeau aux modèles normaux. Mais en Europe de l'Est, où la publicité directe n'était pas autorisée, la course automobile était le moyen pour un fabricant de présenter ses produits à un large public. Dès ma nomination, j'ai été aidé par l'intérêt et l'importance que le directeur général Jean Terramorsi accordait à la compétition."

Jour G

"J'étais là quand, en juillet 1970, la Renault 8 Gordini a été remplacée par la 12 Gordini lors du fameux Jour G au Castellet. Il y a eu une comparaison directe entre les deux voitures sur la piste, que la 12 Gordini n'a malheureusement gagnée que d'une demi-seconde. Il est dommage que personne ne se soit préoccupé d'un phénomène qui s'est produit avec la Renault 12, déjà remarqué en 1965 avec la R16. Lors d'une accélération rapide en bas régime, l'avant de la voiture se soulève tellement que la traction est perdue et que la direction devient plus lourde. Avec la Renault 12 normale, cela était considéré comme acceptable, mais avec la 12 Gordini et plus tard la 17 Gordini, dotée de moteurs beaucoup plus puissants, c'était un véritable problème. Ce problème aurait pu être résolu par un réglage différent des liaisons au sol. L'un des trois prototypes 12 Gordini qui avaient participé sans succès au Rallye du Maroc en 1970 a reçu une foule de modifications qui ont créé une voiture rapide et fiable pour les mauvaises conditions routières. Des modifications ont également été apportées aux voitures de piste dans un minuscule atelier situé sur le Quai du Point du Jour à Boulogne. Certaines de ces modifications techniques ont été mises à la disposition des équipes privées sous forme de kit complet pour la version à moteur 807. Il en est résulté un guide complet de la compétition pour la R12 et la R17 provenant directement de notre bureau."

Division compétition

En 1965, Patrick Landon avait démissionné de Renault pour rejoindre son père François qui dirigeait la concession Renault d'Ajaccio, en Corse. Lors d'un trajet en voiture dans sa Renault 8 Major, il a vu une autre voiture du même type. En roulant l'un derrière l'autre, la vitesse a augmenté considérablement, jusqu'à ce que les deux s'arrêtent. Il s'agissait d'Hubert Melot, à l'époque responsable de l'après-vente de Renault en Corse. En 1969, ils deviennent collègues lorsqu'une équipe spéciale est mise en place chez Service Produit pour créer une division compétition pour les pays d'Europe de l'Est : pilotes locaux, 8 Gordini au départ et des R16 pour le service donnent lieu à une formidable aventure humaine. Hubert Melot a également décidé de donner une formation aux pilotes. L'aventure a duré quatre ans et les contacts chaleureux, notamment avec le célèbre pilote hongrois Attila Ferjancz, sont restés.

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Service Compétition

Après la 12 Gordini est venue la 17 Gordini. Sur la base de la TS, on a construit une voiture de compétition optimale qui a été utilisée dans le monde entier sur tous les types de chaussées dans diverses catégories. Le Service Compétition a construit la voiture en ajoutant des renforts ici et là et en allégeant certaines structures. Cela a donné de bons résultats. Hubert : "Le président Bernard Hanon est très heureux de la victoire avec la R17 lors du rallye Press-on-Regardless dans le Michigan, dans le cadre du championnat du monde des rallyes. Unique pour une Renault à traction avant. Cela a eu des conséquences positives sur mon salaire. L'homme, autrement distant, a récompensé mon travail en notant que j'étais maintenant un véritable ingénieur en résolution de problèmes, même si je n'avais pas été formé pour cela et que je n'avais donc pas officiellement le titre."

Centre Technique Renault

Hubert Melot a également travaillé sur l'A310 V6 Groupe 4 avec laquelle Guy Frequelin a remporté le titre national en 1977. "Nous sommes partis d'une Alpine A310 à quatre cylindres et avons écouté très attentivement les expériences des pilotes. Nous avons résolu les problèmes de torsion en augmentant la rigidité de la carrosserie avec un cadre spécifique. C'est dommage que nous n'ayons pas pu nous battre pour le titre mondial, car la voiture avait certainement le potentiel pour cela."

L'intérêt majeur de Renault étant la vente de modèles de série, Hubert Melot s'installe au Centre Technique Renault (CTR) à Rueil. "Là-bas, j'ai eu accès à tous les outils et équipements techniques imaginables. Les voitures destinées à la production en série offrent de grands défis aux personnes qui, comme moi, s'intéressent à la technologie. J'y ai travaillé, entre autres, sur les porte-drapeaux de la marque, comme la 30 TS et la R25." Hubert est resté au CTR jusqu'à sa retraite en 1987. De 1981 à 1987, il est attaché au département de la qualité.

Il s'agit d'un moteur qui n'a jamais été utilisé dans une voiture. Il a été développé par Amédée Gordini sur la base du moteur de la Dauphine.

Pièces électriques

Nous rencontrons Hubert Melot dans sa maison actuelle à St. Jean d'Ardières au sud de Mâcon. C'était à l'origine la maison de vacances de ses parents. "Pendant mes premières vacances, j'ai passé presque tout mon temps ici, dans un garage local. Là, j'ai réparé presque toutes les pièces électriques."

Hubert prend de l'âge, mais au cours de notre conversation, de nombreux souvenirs remontent à la surface. Par exemple, il se souvient que lorsque la Renault 14 était déjà en production, il avait fait des propositions pour rendre la suspension un peu plus rigide, ce qui aurait eu un impact positif considérable sur la tenue de route de la voiture. Mais comme la voiture était déjà proche de la fin de son cycle de vie, ces améliorations n'ont pas été apportées.

Photo : Guy Frequelin a remporté le titre national de rallye de France en 1977 avec une A310 V6 Groupe 4 sur laquelle Hubert a travaillé. Il a également optimisé la Renault 17 pour une utilisation en sport automobile, comme ici lors du Rallye de Monte-Carlo 1975.

Petite vitrine

 Après le déjeuner, nous nous sommes rendus dans son petit magasin voisin où il présente également une histoire personnelle. Et l'histoire est un sujet sur lequel il a été élevé. Son père était historien et avocat, et dès la Première Guerre mondiale, il a publié sous le pseudonyme de Jean d'Ardière. Hubert possède encore presque toutes les publications de son père. Chaque étage de sa maison s'avère être un véritable musée avec une série infinie de collections. Il a une histoire à raconter avec chaque objet. Comme dans le salon avec une petite vitrine avec des logos Renault en bois sur les portes. "J'ai ramené une fois cette armoire de l'Île Seguin. À l'époque de Louis Renault, tous les chefs de service recevaient une telle armoire pour ranger leurs documents. Celui-ci devait être jeté. Plus tard, je l'ai fait restaurer et j'ai remplacé les panneaux en bois par du verre. Cette armoire abrite désormais principalement des miniatures de modèles Renault auxquels j'ai collaboré."

Poussière

Hubert semble non seulement avoir conservé les publications de son père. Dans sa grange se trouve une Fiat de 1915, achetée par son père peu après la Première Guerre mondiale. Après sa vie active, la voiture est restée dans la famille. Bien sûr, les Renault font également partie de sa collection. A l'arrière, sous une épaisse couche de poussière, se trouve une 4CV gris clair et, au premier plan, une Dauphine Gordini en merveilleux état avec 48 331 km d'origine au compteur. Un bon exemple de la passion du collectionneur : "Il y a des années, j'ai pensé qu'il serait amusant d'acheter un Solex. A ce jour, j'en ai trouvé une cinquantaine."

Photos : Hubert Melot a sauvé ce moteur spécial Gordini de la démolition. Dans son garage, il aime parler de mécanique. Sa collection comprend également une belle Dauphine Gordini qui affiche un faible kilométrage.

Un élément particulier est un bloc moteur qui repose négligemment dans un coin sur un cadre en bois à roulettes. Hubert Melot s'illumine quand on lui demande comment et pourquoi. Il s'agit d'un moteur qui n'a jamais été utilisé dans une voiture. Il a été développé par Amédée Gordini sur la base du moteur de la Dauphine. Le moteur était sur le point d'être envoyé à la casse lors de la démolition d'un atelier situé au 69, boulevard Victor. Heureusement, quelqu'un a appelé Hubert à ce sujet. "C'est un moteur très spécial avec une culasse entièrement nouvelle. En octobre 1957, Renault lance la Dauphine Gordini avec un moteur qui développe plus de puissance. Après cela, le calme semble régner entre Renault et Gordini jusqu'en 1962. Cette année-là, la Dauphine 1093 est apparue. Mais entre-temps, Gordini n'est pas resté inactif. Il a apporté plusieurs améliorations au moteur avec trois paliers principaux connus de la 4CV et de la Dauphine. Le résultat était ce moteur avec une culasse qui n'a finalement jamais été mis en production. Mais c'est un moteur qui peut être considéré comme un précurseur des célèbres moteurs de la 8 Gordini. Les soupapes d'entrée et de sortie sont montées en biais et les bougies d'allumage se trouvent au milieu de ce moteur.

Flux croisé

Gordini a appliqué le principe du flux croisé à cette culasse, avec l'admission avec carburateur d'un côté et l'échappement de l'autre (non monté ici). Une intervention qui, à elle seule, permet un gain de puissance non négligeable.Toutes ces modifications se retrouvent ensuite dans le moteur 1.100 des premières R8 Gordini et, bien sûr, dans les 1.300 et dérivés. Hubert en a parlé dans les années 80 dans la revue Prise Directe du CAR Île de France dont il était président après Gilbert Hatry.

Après une longue journée, nous prenons congé de cet homme aimable qui a particulièrement contribué au développement sportif de Renault, mais qui, en toute modestie, n'en a jamais revendiqué le mérite.