4CV 1063
Version sportive











Version spéciale

Dans l’immédiat après guerre le parc automobile Français est vieillissant. L’arrivée de la 4CVde conception moderne va littéralement transformer la physionomie du paysage automobile national. Les versions spéciales plus ou moins élaborées sur base de 4CV sont légion, la voiture qui illustre cet article est une authentique 1063, appellation officielle de l’évolution sportive de la 4CV.

Texte & Photos: Thierry Lesparre

Elle porte le numéro 70 d’une série de 80 produites dont quatorze étaient réservées à la régie Renault. Son palmarès est impressionnant puisqu’elle a pris le départ de toutes les grandes classiques de l’époque sur piste comme sur route : les 24 Heures du Mans, le Rallye de Monte Carlo, les Mille Milles et le Tour de France Automobile sans compter le Liège Rome Liège.

Vingt ans

 Il aura fallut prêt de vingt ans à Jean-Pol Warbecq, spécialiste bien connu des amateurs de 4CV, pour dénicher cette véritable R1063. Son ancien propriétaire l’avait remisée après que sa femme lui ai demandé d’arrêter de courir. Les années passèrent jusqu’au  jour où la grange qui l’abritait s’écroula, dévoilant ainsi le trésor qu’elle renfermait. La 4CV qui était dans un triste état lors de sa découverte fut entièrement démontée puis minutieuse restauré dans sa configuration originale du Liège Rome Liège 1954.Il aura fallut prêt de 15 ans à Jean-Pol pour redonner son lustre d’antan  à cette 4CV.

Lasuli bleu

Toutes les1063 étaient de couleur bleu « Lasuli » ou bleu Renault 400 (que l’on retrouve aussi sur les Juva 4 de la gendarmerie !), cette couleur très nuancée suivant son exposition à la lumière donne l’impression sur les photos d’époque en N&B que les 4CV étaient de couleur gris clair ou gris foncé. La quasi-totalité des 1063 étaient des versions grand luxe sur lesquelles les ornements en chrome furent remplacés par des éléments en aluminium. Mis à part quelques petits détails apparents comme les deux petites grilles de ventilation en aluminium placées sur la jupe arrière ou les 4 phares avant typiques des voitures usine, l’aspect extérieur de la 1063 est très proche de celui de la 4CV standard. La principale différence se cache sous le capot arrière où est logé le petit 4 cylindres qui bénéficie d’un traitement spécial, puisqu’il est équipé de bielles en aluminium, de pistons bombés et d’un carburateur double corps de 35. La pompe à essence a été remplacée par un modèle plus imposant adapté au débit du double carburateur. On y trouve aussi un remplissage d’essence rapide qui sert à alimenter le réservoir situé sous la voiture. Pour absorber le régime moteur de la 1063 qui est beaucoup plus important que celui de la 4CV civile (5500 tours/min au lieu de 3500) de petites poulies ont été rajoutées au niveau du vilebrequin et du tendeur d’arbre à came afin d’éviter que la dynamo et la pompe à eau ne prennent trop de tours. Sa cylindré de 748 cm3 en faisait une compétitrice redoutable dans la classe 750cm3.

Tour de Corse

Les 1063 clients développaient environ 35 chevaux et les voitures usines en comptaient 5 de plus, ce qui permettait à la petite 4 pattes d’atteindre allègrement les 160 km/h en vitesse de pointe dans la ligne droite des Hunaudières. Le moteur monté dans la voiture n’est pas celui d’origine, il s’agit toutefois d’un véritable moteur de course d’époque accouplé à une boîte à crabot 5 rapports de type « Claude », du nom de son concepteur l’ingénieur et pilote André Georges CLAUDE. L’ensemble a été retrouvé en Corse il y a quelques années, le 4 cylindres qui n’avait pas tourné depuis 1956 suite à un accident au Tour de Corse est dans un état strictement d’origine puisque le pari a été fait de le remonter dans la voiture sans le déculasser.

La quasi-totalité du volume du coffre situé à l’avant est occupé par un volumineux réservoir additionnel dont le fond épouse les formes galbées de la 4CV. Il est équipé de part et d’autre de deux orifices de remplissage qui permettaient de faciliter les ravitaillements en fonction de la configuration des stands. Lors des 24 Heures du Mans 51leréservoir additionnel était positionné à la place de la banquette arrière mais cette solution fut rapidement abandonnée à cause des émanations d’essence trop envahissantes au sein de l’habitacle. Le peu d’espace restant encore disponible est occupé par  une belle boîte à outils en bois ainsi que par la roue de secours fixée sous le capot avant à l’identique des 4CV de série. Une petite plaque rivetée sur laquelle est gravée l’inscription : « Propriété de la régie Nationale des Usines Renault » rappelle que nous sommes bien en présence d’une des 14 voitures d’usine.
La face avant est équipée de 4 phares, les deux du haut bénéficient de protections pare-pierres tandis que les deux feux inférieurs sont munis d’anti éblouissement. Pour la petite histoire cette voiture a pris le départ du Liège Rome Liège 54 munie de 4 protections de phare et a franchi la ligne d’arrivée avec seulement deux ce qui au final arrange bien les affaires de Jean-Pol qui n’a jamais pu retrouver les deux manquants.

Flexomobile

L’intérieur est spartiate mais l’instrumentation n’a pas été sacrifiée pour autant. Le tableau de bord est totalement différent de celui d’une 4 CV de série. Il est composé d’un compteur kilométrique gradué jusqu’à 160 km/h, d’un compte tours qui affiche une plage d’utilisation maximum allant jusqu’à 8000 tr/min, d’un ampère mètre ainsi que d’un indicateur de température d’eau situé face au pilote. Au plancher on retrouve le starter placé au pied du levier de vitesse comme sur les 4CV de série, ainsi que l’inverseur de réservoir et la manette de commande d’avance à l’allumage. Les sièges de camping sont constitués d’une ossature métallique sur laquelle sont tendues des sangles en caoutchouc et peuvent basculer en position couchette ce qui permettait au passager de dormir confortablement allongé lors des étapes de liaison des rallyes marathons de l’époque. Commercialisés à la Garenne Colombe par la société Flexomobile, ces sièges couchette n’étaient pas exclusivement réservés aux 1063 puisqu’ils figuraient au catalogue des accessoires de la 4CV.

La voiture de monsieur tout le monde

La présence de la banquette arrière contraste avec l’aspect dépouillé du reste de l’habitacle mais s’explique d’un point de vue marketing, la petite Renault dans sa configuration Liège Rome Liège se devait de rester en apparence du moins, le plus proche possible de la voiture de monsieur tout le monde. Autre curiosité ce petit cylindre collé sur la vitre constructeur, cet accessoire qui a fait son apparition à partir de 1954 a pour fonction de faciliter la circulation d’air dans l’habitacle afin d’éviter la condensation sur le pare brise.
La sortie de la Dauphine sonnera le glas de la carrière sportive de la 1063, la quasi-totalité des 14 voitures usine furent détruites par la régie.   Aujourd’hui les survivantes se comptent sur les doigts d’une main, ce qui fait de cette voiture une véritable rareté et surtout une pièce importante de notre patrimoine automobile national.

François Landon

La 4CV que nous a confiée Renault Classic pour un galop d’essai sur le circuit de Montlhéry est une réplique fidèle de la voiture avec laquelle François Landon et André Briat décrochèrent une victoire de classe lors des 24 Heures du Mans 51.  Elle fut construite sur la base d’une 4CV préparée à l’époque pour rendre hommage à François Landon à l’occasion des 50 ans de la 4CV. Malheureusement François Landon décédera peu de temps avant que cet hommage ne lui soit rendu.
Le jour de l’essai de la petite 4CV, la chance est avec moi le ciel est voilé mais la piste est sèche contrairement à la veille où la pluie n’avait cessée de tomber toute la journée. Une fois installé à bord, je suis d’emblée agréablement surpris par le confort qu’offrent les sièges rudimentaires en lanières de caoutchouc. Seul bémol l’assise est un peu trop basse pour moi, du coup le haut du volant vient s’inscrire dans mon champ de vision. Les pédales sont microscopiques et le diamètre du levier de vitesse n’est guère plus important que celui d’une aiguille à tricoter. J’ai l’étrange sentiment d’être installé aux commandes d’un jouet. L’habitacle est entièrement dénudé laissant la tôle apparente du sol au plafond. Grace à ce régime minceur la petite 4CV n’affiche que 530 Kg sur la balance pour une puissance de 43 Chevaux.

Montlhéry

Mon œil est attiré par le fameux compteur gradué jusqu’à 160 km/h, j’ai hâte de prendre la piste. L’essai va se dérouler sur l’ovale de la piste de Montlhéry agrémenté de deux chicanes. Je mets le contact puis je m’élance prudemment pour un premier tour de prise en main. Dans cette configuration du circuit, le premier plan incliné se trouve quasiment à la sortie de la ligne droite des stands. Premier constat la boîte 4 rapports n’est pas un chef d’œuvre de précision, cette première sensation se confirme au moment d’enclencher la 4ième qui se trouve très loin par rapport à la 3ième . J’atteints rapidement le régime maximum, je profite d’être au milieu de l’anneau pour  lâcher brièvement le volant, bien que lancée à vive allure notre petite 4CV ne s’écarte pas de sa trajectoire et se montre très équilibrée. La pédale de frein est mollassonne, dans ces conditions il est plus sage de bien anticiper son freinage afin de négocier au mieux les deux chicanes situées sur le tracé. L’habitacle est assez bruyant, les parois en tôle jouant un rôle de caisse de résonance. Je jette en permanence des petits regards dans le rétroviseur latéral afin de ne pas gêner les autres voitures plus puissantes avec lesquelles je partage la piste. Piloter une 4CV lors des 24 Heures du Mans au milieu des Jaguar Type C et autre Talbot-Lago 4.5 l ne devait pas être de tout repos.