Cela fait déjà 35 ans que le monde a découvert l’Espace. Un véritable phénomène, qui en est aujourd’hui à sa 5e génération. Pour se remémorer les débuts, nous avons pris le volant d’un Espace de première génération. Et un des tout premiers exemplaires, puisque son châssis porte le numéro 4 !
Il est un peu trop simple et réducteur de dire que c’est à Matra que l’on doit l’Espace... Certes, cette entreprise française fut à la source du concept et, bien sûr, les trois premières générations du modèle furent fabriquées chez elle. Mais revenons aux origines. Au début des années 80, Matra avait de gros liens avec le groupe PSA, via les marques Simca/Talbot. La direction de PSA a cependant finalement décidé de ne pas libérer les fonds nécessaires pour développer ce drôle de « minibus ». L’investissement semblait trop risqué. Donc, en décembre 1982, le très enthousiaste directeur de Matra, Philippe Guédon, a présenté son prototype au patron de Renault : Bernard Hanon. Hanon a passé une partie de sa carrière aux Etats-Unis et a découvert là-bas le phénomène des vans aménagés. Il estimait qu’il y avait pour son prototype un grand potentiel en Europe. Chez Renault, au début, on s’est également montré prudent devant ce concept.
Les pièces du prototype d’origine, provenant de chez Peugeot, ont d’abord été remplacées par des éléments Renault. Par contre, la forme de la carrosserie du prototype Matra semblait déjà presque définitive. Renault a aussi décidé de développer une nouvelle plate-forme permettant de disposer d’un plancher totalement plat dans l’habitacle. Il s’agissait là d’un élément très important, car si jamais ce nouveau modèle de véhicule familial ne fonctionnait pas, Renault aurait ainsi pu récupérer la plate-forme et s’en servir pour un nouveau véhicule utilitaire. La parenté avec le monde de l’utilitaire se retrouvait également à travers plusieurs pièces qui ont été reprises sur le modèle de production. Ce dernier a fait son apparition à l’été 1984 dans les concessions Renault. L’Espace reprenait plusieurs composants de la R18 et de la camionnette Trafic, qui lui a notamment donné ses feux avant et arrière.
Les ingénieurs de chez Matra et le département design de Renault ont travaillé ensemble pour peaufiner le concept. Mais pour ce qui concerne l’aménagement intérieur unique du modèle, avec ses sièges avant pivotants et ses sièges arrière individuels à 5 points d’ancrage, tout le mérite revient aux hommes de Billancourt.
Le lancement du modèle a donc eu lieu en juin 1984. À l’époque, les gens de chez Renault retenaient leur souffle. Les clients aussi… Lors du premier mois de commercialisation, neuf exemplaires seulement ont été vendus ! Le monde ne s’était pas encore habitué à la forme très spéciale de l’auto et n’avait pas encore pris conscience des énormes avantages de son aménagement intérieur novateur.
Renault Classic dispose d’un exemplaire du premier Espace datant de 1984 et son châssis porte le numéro 4. Cela signifie donc qu’il s’agit du quatrième exemplaire que Matra a produit. Dans ce cas, on parle d’un exemplaire de présérie. Depuis lors, la voiture a parcouru
104.500 kilomètres. Elle nous attend dans sa robe teintée d’une belle peinture brillante.
À l’époque, Renault n’hésita pas à commercialiser son Espace dans des combinaisons de couleur saisissantes. Les pièces de carrosserie en plastique pour le pavillon et les bas de caisse affichaient une couleur contrastée. Les éléments visibles du procédé unique de carrosserie galvanisée de Matra étaient de couleur noir mat. Cette méthode de construction a été appliquée sur les trois premières générations d’Espace. Il y a plusieurs années, Guédon m’a confié que même les structures de carrosserie inachevées qui étaient laissées dehors chez Matra, sous le vent et la pluie, n’avaient pas subi de corrosion.
Lorsque l’on s’installe à bord de la voiture, ce qui frappe en premier lieu, c’est l’énorme luminosité de l’habitacle. Les montants de carrosserie très fins assurent aussi une bonne visibilité périphérique, d’autant que l’on est assis en hauteur. Les sièges se révèlent doux et confortables. Ils sont revêtus d’un tissu agréable, disponible en deux couleurs différentes en fonction de la teinte extérieure choisie.
Plusieurs composants intérieurs étaient à l’époque déjà connus d’autres modèles Renault. On pense aux boutons et leviers de commande, ainsi qu’à la radio à commande au volant, fournie par Philips. L’Espace était affiché au prix du modèle phare de Renault de l’époque : la 25. Il se plaçait donc dans le segment haut de gamme. L’exécution TSE qui nous occupe ici dispose d’ailleurs d’un riche équipement, avec par exemple des jantes en alliage léger, des feux antibrouillard jaunes intégrés dans la rampe située sous le pare-chocs avant, mais aussi deux toits ouvrants (inclinables) et un verrouillage centralisé avec télécommande (PLIP).
Un tour de clé et le moteur 2 litres à carburateur prend vie. Le son est très connu des connaisseurs de Renault, puisque ce moulin a équipé plusieurs modèles de la marque depuis son lancement dans la Renault 20 TS. Le comportement routier et la réactivité du moteur au toucher de la pédale de gaz nous replongent d’ailleurs dans le passé : les performances ne sont pas impressionnantes et les systèmes d’injection actuels à pilotage électronique offrent beaucoup plus de souplesse. Cet Espace originel nous donne donc des sensations typiques de véhicule classique. Et c’est tant mieux !
Les plastiques utilisés dans les années 80 ne résistaient pas bien à l’épreuve du temps. On peut clairement le constater à bord de cet exemplaire. Heureusement, les revêtements de sol et les tissus sont encore frais. Une aubaine car la restauration de ces éléments sur les premiers Espace peut poser problème.
Nous avons emmené notre Espace 2000 TSE de l’usine de Flins où elle réside dans les ateliers de Renault Classic jusqu’en bord de Seine, pour un pique-nique. Avant de partir, nous avions pris soin d’installer deux sièges au troisième rang et de rabattre le dossier du siège central du second rang en position « table ». À l’arrivée, il suffit de faire pivoter les sièges avant pour les tourner vers l’arrière et créer ainsi un véritable salon avec table centrale. De quoi prendre agréablement un petit repas dans la voiture. C’est dans ce but de loisirs que les gens de chez Matra et Renault ont imaginé l’Espace originel. Et 35 ans plus tard, on apprécie toujours l’intelligence de ce concept français unique.
En detail...
Renault Espace TSE 1984
Moteur:
Type J6R, 4 cylindres, carburateur, cylindrée 1.995 cc, alésage x course 88 x 82 mm, taux de compression 9,2:1, puissance (DIN) 110 ch à 5.500 tr/min, couple 160 Nm à 3.000 tr/min,
Transmission:
Aandrijving op de voorwielen, handgeschakeld 5 versnellingen. Overbrengingsverhoudingen 1e - 0,24, 2e - 0,45, 3e - 0,70, 4e - 0,97, 5e - 1,16, achteruit - 0,28, eindoverbrenging - 0,29.
Dimensions:
Longueur 4 250 mm, largeur 1 777 mm, hauteur 1 660 mm, empattement 2 580 mm, rayon de braquage 11,15 mètres (entre les trottoirs). Réservoir de carburant de 65 litres, volume des bagages de 850 à 3 000 litres.
Poids total 1.200 kg / 1.221 kg (7 places), poids maximum autorisé 1.800 kg, poids de la remorque 1.100 kg (freinée).
Suspension:
Suspension avant, indépendante, à deux triangles superposés, amortisseurs hydrauliques, barre stabilisatrice de 21 mm. Suspension arrière, semi-indépendante, deux bras porteurs traînés, une barre transversale, amortisseurs hydrauliques. Pneus 185/65 R 14H, jantes en alliage léger, 5.5 J 14 pouces. Disques ventilés de frein avant, 238 mm, tambours de frein arrière 228,5 mm, frein de stationnement sur les roues arrière.
Performances:
Vitesse maxi 175 km/h, consommation 6,5 litres aux 100 km (90 km/h), 8,8 litres aux 100 km (120 km/h), 10,8 litres aux 100 km (ville).