Si j'étais président

Jusqu’à la fin de la deuxième guerre mondiale, les cercles du pouvoir en France se déplacent fréquemment en Renault. Pour les visites officielles de chefs d’État, la majestueuse Suprastella à carrosserie ouverte est encore employée jusque durant les années cinquante. Mais avec l’arrivée de la Citroën DS, en 1955, et la préférence exclusive du général de Gaulle pour ce véhicule, Renault est relégué en arrière-plan. La Frégate ne parvient pas à s’imposer à la concurrence et l’unique exemplaire rallongé construit par Renault finit ses jours comme véhicule de promenade pour les hôtes de marque qui viennent visiter les installations de l’usine. Vers le milieu des années soixante-dix, le rideau tombe pour la DS et la politique automobile du Général touche à sa fin. Le vent tourne à Paris et la flotte des véhicules officiels accueille un nouveau venu : la Peugeot 604. Renault manque encore une opportunité avec la R 30 TS à cinq portes, bien que la Renault 20 trouve sa place des années durant auprès des autorités subalternes et des militaires.

La Renault 25 marque toutefois un changement décisif. Une R 25 V6 fut d’abord livrée au Président français, avec une carrosserie d’apparence normale mais blindée par Labbé. Une R 25 Limousine bleu marine fut livrée peu après ; il s’agissait encore d’une voiture blindée, pourvue cette fois d’équipements additionnels tels que des réservoirs d’oxygène placés dans le coffre.

Revenons un peu en arrière. Fin 1983, Renault annonce l’arrivée de son nouveau modèle haut de gamme. La R 25 doit faire oublier par ses courbes harmonieuses les formes anguleuses des R 20 et R 30. Les concepteurs laissent manifestement libre cours à leur imagination et Renault leur doit une superbe voiture. Citroën produit à ce moment la CX, une voiture qui offre également une élégance raffinée et disponible en version rallongée depuis la seconde moitié des années soixante-dix : la Prestige d’abord, puis la Limousine. Renault a cependant la volonté de se frotter à la concurrence dans ce segment prestigieux avec la R 25. Des adaptations sont apportées à la carrosserie en coopération avec la société Heuliez de Cerizay, dans les Deux-Sèvres. L’empattement est rallongé d'exactement 22,7 cm. Ce gain de longueur bénéficie directement à l'espace aux jambes des passagers arrière et exige des adaptations correspondantes pour la carrosserie. Heuliez fabriquera donc la voiture dans ses propres installations et rachète à cet effet un bain de cataphorèse de la Régie : ses carrosseries reçoivent ainsi le même traitement anti-corrosion que celui appliqué aux R 25 produites dans l’usine Renault de Sandouville.

Les portes arrière sont nettement rallongées, avec une vitre relevable beaucoup plus grande et en conservant la custode. Cette solution cause toutefois rapidement des problèmes. Le moteur d'actionnement de la vitre utilisé par Renault reste en effet inchangé et s’avère trop peu puissant. Le montant central est sensiblement plus épais, bien visible entre les portières avant et arrière et affiche un petit logo Heuliez. Les portières avant sont en principe identiques à celles de la R 25 standard, seul le panneau extérieur étant rallongé pour conserver une ligne latérale harmonieuse. Le panneau de toit de la R 25 Limousine est également légèrement surélevé à l’arrière afin d’augmenter la garde au toit pour les passagers. Il s’agit là en définitive des seules modifications de construction apportées. Heuliez construit la R 25 Limousine en commençant par le châssis, moyennant quoi on ne peut manifestement pas considérer qu’il s’agit d’une carrosserie simplement découpée et rallongée. Les renforts s’avèreront néanmoins insuffisants pour conserver la rigidité de la carrosserie. L’identification externe du modèle consiste en une mention « Renault 25 » à gauche sur le hayon. La plupart des exemplaires reçoivent ensuite une belle plaquette signalétique dans le bas des montants arrière. L’inscription « Limousine » y figure en lettres élégantes. Les premiers exemplaires reçoivent cependant une plaquette en plastique avec l'inscription « Limousine » en calligraphie Renault standard, version fine et cursive. L’exemplaire vert de présérie comporte en outre une plaque signalétique en lettres Renault, mais à droite sur le hayon. Une seule voiture présente une petite variation, avec une plaquette à droite sur le tableau de bord, sous la commande de la radio.

Renault lance la R 25 V6 Turbo sur le marché en même temps que la R 25 Limousine, les deux voitures affichant les traits communs d’un même modèle. La Turbo se caractérise par des pare-chocs plus volumineux et de même couleur que la carrosserie, à l’exception du bord supérieur. Elle possède de plus une calandre spécifique. La plaque supérieure est d’une seule pièce et le logo est placé au milieu, alors que l’ouverture est entourée d'un large bord chromé. Le pare-chocs et la calandre distinctifs sont montés sur toutes les variantes de la R 25 Limousine, la voiture atteignant une longueur totale de 4,925 mètres. La R 25 Limousine devient ainsi la plus longue voiture de série construite par Renault après la seconde guerre mondiale.

Trois motorisations sont finalement adoptées, bien que le dépliant de Heuliez mentionne également un moteur de 2,2 litres basé sur la GTX et qu’une GTS de 2 litres à carrosserie de Limousine ait été dévoilée chez Heuliez lors d’une vente publique il y a quelques années. Ces deux moteurs à quatre cylindres n’ont toutefois jamais été montés en série. La gamme débute avec la TurboDX équipée d’un moteur 2,1 litres turbo diesel délivrant une puissance de 85 ch et un couple de 181 Nm, soit des valeurs somme toutes bien modestes. La voiture atteint ainsi une vitesse maximale de 172 km/h et passe de 0 à 100 km/h en 13,3 secondes. Cette version diesel intéresse particulièrement les entreprises et les sociétés de taxis. Le moteur le plus prisé est cependant le V6 Injection. Cette mécanique de 2,7 litres à injection aux prestations bien connues fournit une puissance de 144 ch et un excellent couple de 215 Nm. L’acheteur a le choix entre une boîte manuelle à cinq rapports et une transmission automatique à trois rapports. La version manuelle monte à 201 km/h et atteint les 100 km/h en 10,2 secondes départ arrêté. La transmission automatique atteint quant à elle 196 km/h et tarde à 11,5 secondes pour parvenir à 100 km/h. La version la plus exotique de la R 25 Limousine est la V6 Turbo, dont quelques exemplaires seulement sont produits. La version la plus sportive est équipée du moteur V6 de 182 ch avec une cylindrée réduite à 2,5 litres, ce qui se traduit par une vitesse de pointe de pas moins de 225 km/h. La Turbo n’est disponible qu’avec une boîte de vitesses manuelle.

L’intérieur de la R 25 Limousine est pratiquement identique à celui de la R 25 standard, à l’exception de l'espace plus généreux aux jambes. Il y a cependant quelques différences. Ainsi, la Limousine est fournie avec des repose-pieds, deux petits coussins dans le même tissu que la garniture des portières ainsi qu’un éclairage à tubes fluorescents à l’arrière, alimenté par un transformateur monté à droite dans le coffre. Dans les portières arrière rallongées sont agencés de grands cendriers pourvus d’un allume-cigare, dont il existe deux variantes. La plupart des modèles disposent de la variante la plus grande du cendrier qui occupe tout l’espace prévu dans la portière. Sur le bouton-poussoir noir figure le logo Heuliez. Toutes les options de la R 25 sont disponibles sur la Limousine, telles que les garnitures en cuir, l’ABS (sur la V6 Injection), le toit ouvrant à commande électrique et l’air conditionné. Le pack Executive est par contre spécifique à la Limousine. Il comporte deux sièges à réglages entièrement électriques à l’arrière, qui sont identiques aux sièges avant. Entre les deux sièges se trouve un accoudoir rabattable et un compartiment agencé derrière le dossier permet de ranger par exemple un porte-documents. La voiture ne dispose toutefois plus d’une banquette rabattable et la cloison entre le compartiment du coffre et les sièges arrière devient par conséquent inamovible.

Le pack Executive se combine avec toutes les garnitures tissu et cuir. Le coût des options correspondait alors au prix d’une R 5 GTL neuve ! Les photos des premières versions indiquent que les sièges arrière présentaient un angle caractéristique aux deux tiers du dossier, mais la plupart des exemplaires de la Limousine Executive possèdent les mêmes sièges à dossier plat que ceux de la R 25 V6 Turbo. On distingue également des garnitures de portière entièrement lisses sur les photos, alors que les modèles de série disposent de garnitures ordinaires en tissu. L’habitacle est disponible en deux tons : beige ou gris/noir. Renault livre en principe la R 25 Limousine dans toutes les couleurs de carrosserie métallisées de la R 25, à l’exception du rouge métallisé, alors que la couleur noire est disponible en peinture non métallisée. On sait que des exemplaires ont été livrés avec une carrosserie de couleur blanche, bien que cette teinte ne figure pas au catalogue officiel. Pour certains tons de carrosserie, une couleur de contraste est appliquée au bas des pare-chocs, au bord inférieur des protections latérales et sur le pourtour des vitres de portière. Le ton employé est un gris moyen métallisé, combiné entre autres avec une carrosserie noire, gris argent ou gris sombre.

Renault lance la Limousine en 1984 au Salon Mondial de l’Automobile de Paris et livre les premiers exemplaires dans le courant du premier semestre 1985. La production ne va pas durer bien longtemps : le modèle est supprimé des catalogues fin 1986. Seuls 832 exemplaires ont été vendus, alors que la capacité de production est de 10 voitures par jour, ce qui correspond à une production annuelle de pas moins de 2 400 véhicules ! Les derniers exemplaires disponibles en stock sont livrés au cours de la première moitié de 1987, et ainsi s'achève la courte carrière de la R 25 Limousine. Il semble pourtant bien y avoir de la demande pour une version longue de la R 25 après l'arrêt de la production. Afin de ne pas rester déphasée, la Renault 25 Limousine du président est convertie en une R 25 Phase II, qu’Heuliez ne produira jamais. Le carrossier Néerlandais Boonacker rallongera quant à lui quelques exemplaires de la R 25 Phase II. Mais il s’agit bien alors d'une voiture coupée en deux dont les soudures deviennent nettement apparentes avec les années. L’aménagement reprend des éléments utilisés dans les Limousines originales de Heuliez.

Renault édite un dépliant spécial pour la Limousine, avec des pages à fond noir présentant une Limousine noire à intérieur beige. La voiture dispose d’une banquette arrière normale et des détails de la version Executive sont montrés en fin de brochure. Une édition spéciale est imprimée pour introduire le modèle et s’adresser à un groupe cible spécifique de clients. Le prospectus est remis dans une boîte argentée et se présente comme un court roman à pages volantes intitulé « Un Bonheur d’avance ». L’histoire est écrite par Georges Conchon. En plus des pages de texte, la chemise comporte six photos artistiques réalisées par Uwe Ommer. Cette brochure est éditée en trois milles exemplaires. Comme la R 25 V6 Turbo et la Limousine sont présentées simultanément à la presse, les documentations des deux voitures sont combinées. Les acheteurs reçoivent bien entendu le manuel d’utilisation adéquat, avec cependant une annexe décrivant les équipements spécifiques de la Limousine.

De nombreuses Limousines n'ont pas survécu aux ravages du temps. Les pièces spécifiques sont difficiles à trouver. Mais heureusement un petit nombre de très beaux spécimens ont été conservés. Presque toutes les voitures leurs propres histoires !

Les photos de la production de la Renault 25 Limousine à Heuliez peuvent être téléchargées en faisant un clic droit dessus. Les photos ont une résolution supérieure à celle montrée ici.