Un tout nouveau modèle

Juste après la fin de la Deuxième Guerre Mondiale, c’est le gouvernement français qui décide quel constructeur peut construire quel modèle. Une obligation dictée par la pénurie de matières premières. Il est alors important que le pays dispose des véhicules dont il a besoin pour sa reconstruction et Renault a l’autorisation de produire deux camionnettes, dont une ayant une charge utile de 1.000 kilos. Un tout nouveau modèle, dans lequel le conducteur est assis sur l’essieu avant. Ce sera le début d’une longue carrière…

À la fin des années 30, Renault développe un nouveau type de camionnette : l’AJD. Mais qu'un seul prototype sera construit. Une caractéristique marquante du modèle est son nez plat, qui est dû à l’implantation du moteur dans la cabine. Le conducteur et son passager siègent de part et d’autre de ce moteur. Renault a adopté cette architecture sur plusieurs camions et bus dans la deuxième moitié des années 30.  

Après la libération de la France et la nationalisation de l’usine Renault, le département développement de la marque dispose de peu de temps et de moyens pour construire sa nouvelle camionnette de 1.000 kilos (206E1). Le modèle repose sur un châssis-poutre et se couvre d’une carrosserie d’allure moderne. Mais celle-ci est construite sur une structure entièrement en bois, selon une technique d’avant-guerre. La structure en bois est clairement visible dans la cabine et dans l’espace de chargement. Les panneaux de tôle sont fixés sur cette structure et le toit est en grande partie construit dans une sorte de skaï, tout comme c’était le cas de beaucoup de voitures des années 30.    

Moteur 85

Le développement d’un nouveau moteur n’est pas nécessaire, puisque Renault a lancé en 1935 le moteur 85, un bloc de 2,4 litres à 4 cylindres et soupapes latérales, qui convient à plusieurs usages, y compris celui d’une camionnette. Ce moteur est associé à une boîte manuelle fiable à trois rapports, dont les deux supérieurs sont synchronisés. Vu que le moteur est installé entre les deux passagers, la boîte de vitesses se situe fort en arrière. Celle-ci se commande au moyen d’un long levier. Dans le cas de notre modèle d’essai, un exemplaire unique appartenant à la collection de l’usine Renault, le guidage de la boîte est dur et imprécis, tandis que les synchros ne font pas leur travail.

Avant-guerre

La simplicité de la cabine est illustrée par le compteur octogonal, qui comprend également le niveau de carburant et la charge de la batterie. Un cadran d’avant-guerre, qui est resté en service jusqu’en 1965 sur les 1.000/1.400/2.500 kg. Les quelques interrupteurs présents datent aussi d’avant-guerre et adoptent également une forme octogonale.

Un tout nouveau modèle
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Sans assistance

On remarque aussi les poignées pour l’ouverture/fermeture des portes et les manivelles pour les vitres. Le volant n’a pas fait l’objet d’une attention particulière : il s’agit d’un simple cerceau à cinq branches. Et sur notre modèle d’essai, ce volant manque tout autant de précision que la boîte de vitesses. On aborde donc les courbes de manière très floue... Et les freins hydrauliques sans assistance ne sont pas plus précis.

L’une des caractéristiques marquantes d’un 1.000 kg de première série concerne les portes, à ouverture de type « suicide ». Pour faciliter l’accès à bord, on trouve une marche en bois devant les roues avant, tandis qu’une poignée est installée à hauteur du pare-brise, des deux côtés du véhicule. Les deux petits rétroviseurs extérieurs semblent aujourd’hui ridicules, mais dans les années 40, c’était un luxe qui n’était pas offert de série.

Feux avant

Sur la face avant, plusieurs détails indiquent qu’il s’agit bien ici d’une version 206E1. Ainsi, au-dessus de la grille de calandre, on remarque la première version du logo de la Régie Nationale Renault. Les feux avant sont fixés très simplement sur la carrosserie et le pare-chocs a des bords pressés dans le matériau, entre lesquels sont percés les trous de fixation. Ce qui est amusant, c’est que si un 206E1 ressemble fort à une Goélette ou un Voltigeur au premier coup d’œil, en y regardant de plus près, on remarque de nombreuses différences. C’est ici également le cas des garde-boue, qui sont beaucoup plus carrés. 

Le département développement de la marque dispose de peu de temps et de moyens pour construire sa nouvelle camionnette.
John Doe
Sans assistance
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Évolution

Prendre le volant d’une si vielle camionnette (dont 10.200 exemplaires ont été produits entre avril 1945 et mars 1947) fait clairement prendre conscience de l’évolution des véhicules utilitaires ces 70 dernières années…

Mais c’est vrai que le trafic a lui aussi évolué, devenant sensiblement plus pressé. Dans la banlieue de Paris, cette vielle camionnette est d’ailleurs vue comme une chicane mobile par la majorité des automobilistes modernes. Pourtant, l’engin était à l’époque l’un des utilitaires les plus populaires dans les grandes villes. Mais le rythme de vie s’est aujourd’hui bien accéléré dans la cité et cet 206E1 se sent désormais davantage dans son élément dans la campagne hexagonale. Les temps ont bien changé.

Parisien

Sur notre exemplaire d’essai, les indicateurs de direction sont restés totalement d’origine : ils sont placés directement derrière les portes et sortent vers l’extérieur. À leur extrémité, on trouve une lumière orange. Un équipement moderne pour l’époque, tout comme les feux de stop, placés au-dessus des portes arrière. Deux éléments que le Parisien pressé d’aujourd’hui ne remarque même pas…

Rayon de braquage réduit

Quant à l’espace de chargement, il est basique mais pratique. Il offre un volume de 7,7 mètres cubes, ce qui est franchement généreux, surtout vu la longueur limitée de l’engin. C’est là un avantage du concept de cabine avancée, avec le conducteur assis devant l’essieu avant. L’empattement est lui aussi réduit, ce qui offre un rayon de braquage réduit, facilitant les manœuvres et la maniabilité en ville.

Au terme de cet essai, on se dit qu’en 1945, le Renault 206E1 était un précurseur. Mais 70 ans plus tard, il a forcément été rattrapé par le temps. C’est la théorie de l’évolution…

En détail...

Renault 206E


Moteur:
Type 603, essence, 4 cylindres, alésage x course 85 x 105 mm, cylindrée 2.383 cc, puissance 48 cv à 2.800 tr/min, refroidi par eau, filtre à air à bain d'huile. Carburateur Solex.
Transmission:
Type 259, à trois vitesses (2ième et 3ième synchronisées) avant et une marche arrière. Embrayage monodisque à disque sec.
Freins:
Hydraulique sur les quatre roues à commande au pied. Frein à main sur les roues arrière. Freins à tambour. Ressorts à lames dans le sens longitudinal.
Dimensions:
Longueur 4,54 mètres, empattement 2,315 mètres, largeur 1,93 mètre, hauteur 2,295 mètres, garde au sol 0,190 mètre, volume de chargement 7,738 m3, hauteur du plateau de chargement 0,637 mètre. Réservoir de carburant 70 litres. Poids 1.730 kg, capacité de charge 1.000 kg. Pneus 7,5 x 16 ou 190 x 400. Rayon de braquage 10,50 mètres.
Vitesse maxi 85 km/h, consommation 14 litres/100 km.

En détail...
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Renault 206E 1.000 kg

Né pour la bonne cause